Ils sont partis du Lac de Constance
Un matin blême
Ils ont abandonné l'abbaye de Saint-Gall
Pas un sou en poche
Ils sont partis
De leurs foyers
La Bible en tête
Les anabaptistes
Ils sont partis du Lac de Constance
Un matin blême
A travers les Alpes brumeuses
Ils se guidaient à Dieu et à Vénus là haut
Ils ont suivi le Rhin intrépide puis la Meuse langoureuse puis l'Escaut lapidaire
Ils allaient à contre-courant
Les anabaptistes
Ils sont partis du Lac de Constance
Un matin blême
Ils s'installaient dans un coin
Locataires, jamais propriétaires
Ils restaient quelques années
Tenanciers
Dans le Jura puis l'Alsace puis les Flandres
Jamais satisfaits
Ils repartaient
Toujours vers le nord
Ils évitaient en tout cas Munster
Un état théocrate finit toujours mal
Les anabaptistes
Ils sont partis du Lac de Constance
Un matin blême
Ils s'enrichissaient
Puis ils vendaient
Puis ils partaient
Ils n'ont eu bientôt comme frontière
Que la mer du nord et la Baltique
Toujours poissonneuses
Chargées de navires et de pirates
Les anabaptistes
Ils sont partis du Lac de Constance
Un matin blême
Inquiétés par les Princes
Et les catholiques et les luthériens et les calvinistes
Ils louvoyaient entre les églises
Et ne baptisaient leurs enfants qu'adultes
Ils disparaissaient et se confondaient dans la nature
Ils ne se fiaient qu'à eux-mêmes
Peut être trop orgueilleux certainement.
Les anabaptistes
Ils sont partis du Lac de Constance
Un matin blême
Ils ont pérégriné un siècle
De Suisse jusqu'en Frise
Ils ont erré
Maintenant
Ils ne sont que des noms
Sur mon arbre généalogique
Ils ont fondu discrets
Dans le paysage
Ils se dissimulent
Dans le passé, le présent et le futur
Ils ne sont plus que poussière dans des tombes
Aux lettres parfois effacées
Attendant l'aube radieuse
Revenants revenus
Sur le Lac de Constance
Attendant l'aube radieuse
Mes ancêtres
Les anabaptistes